Qu’est-ce que les perturbateurs endocriniens ?
Selon la Société Américaine d’Endocrinologie, les perturbateurs endocriniens sont des composés naturels ou de synthèse qui, au travers d’expositions environnementales ou inappropriées lors du développement, altèrent le système hormonal et l’homéostasie (= équilibre) qui permettent à notre organisme de communiquer avec son environnement et d’y répondre.
Ces substances, qui peuvent être présentes dans les polluants, peuvent agir sur la synthèse, le transport, l’activation et la dégradation des hormones, contribuant ainsi à divers effets néfastes sur la santé humaine et animale.
Nous pouvons être exposés aux perturbateurs endocriniens par plusieurs voies, notamment la voie digestive (ingestion d’aliments contaminés), la voie pulmonaire (inhalation de substances toxiques) et la voie cutanée (absorption à travers la peau).
Quels sont les différents effets sur notre santé ?
Contrairement à la croyance selon laquelle “c’est la dose qui fait le poison”, les perturbateurs endocriniens peuvent avoir des effets néfastes sur notre santé, non pas en fonction de leur quantité, mais en fonction de la période d’exposition. En d’autres termes, même de faibles doses de perturbateurs endocriniens peuvent causer des problèmes de santé lorsqu’ils sont présents pendant des périodes critiques du développement.
L’absorption d’un produit chimique dans l’organisme dépend de plusieurs facteurs, tels que sa lipophilie (affinité pour les graisses), la surface de contact avec l’organisme, le débit sanguin dans la région d’exposition et l’épaisseur des tissus concernés.
Selon l’Institut de Recherche du Bien-être, de la Médecine et du Sport Santé, les normes recommandées dans la population générale de 20-29 ans pour le pourcentage de masse graisseuse sont de 12 à 15% (jusqu’à 20% selon auteurs) pour les hommes et 22 à 25% (jusqu’à 30% selon auteurs) pour les femmes. Or, la plupart des perturbateurs endocriniens ont une forte affinité pour les tissus gras. Les femmes y sont ainsi plus exposées.
Comment les perturbateurs endocriniens fonctionnent ?
De plus, les différences dans le système hormonal sexuel entre les hommes et les femmes sont également à prendre en considération. Selon Robert Barouki, directeur de recherche à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), la plupart des perturbateurs endocriniens ont la capacité de mimer les œstrogènes et donc de se lier à leurs récepteurs. Les œstrogènes jouant un rôle clé dans la régulation du système hormonal féminin, l’exposition à des substances qui imitent ces hormones peut entraîner des conséquences néfastes sur la santé des femmes.
Ces perturbateurs endocriniens peuvent perturber l’équilibre hormonal naturel, pouvant potentiellement augmenter le risque de développer un cancer du sein, l’un des cancers les plus fréquents chez les femmes ou bien développer une endométriose, le SOPK (Syndrôme des Ovaires PolyKystiques) ou encore une carence ovarienne précoce (autour de 40 ans). De plus, l’exposition aux perturbateurs endocriniens pendant la grossesse peut avoir des conséquences sur le développement des filles in utero. Les perturbateurs endocriniens peuvent interférer avec la formation et le fonctionnement normal des organes reproducteurs féminins, ce qui peut avoir un impact à long terme sur la santé et la fertilité des femmes. En effet, ils peuvent avoir des répercussions sur plusieurs générations en affectant la lignée germinale (lignée responsable de la formation des gamètes et de la transmission génétique d’une génération à l’autre).
De plus, de nombreux perturbateurs endocriniens tels que les phtalates et parabens sont présents dans notre routine beauté. Une étude réalisée sur un petit groupe de femmes en bonne santé a montré que l’arrêt de l’utilisation de cosmétiques contenant des phtalates et des parabènes pendant 28 jours entraînait des modifications dans l’expression de gènes impliqués dans le développement de cancers du sein. Ces résultats suggèrent que ces perturbateurs endocriniens pourraient jouer un rôle dans la modulation de la susceptibilité au cancer du sein. Néanmoins, des recherches supplémentaires sont nécessaires pour confirmer ces résultats et déterminer leur réelle implication clinique.
La différence entre les hommes et les femmes sur les polluants et les perturbateurs endocriniens
En plus des différences biologiques, les femmes sont également confrontées à des disparités socio-économiques qui les rendent plus vulnérables aux perturbateurs endocriniens. Par exemple, les femmes représentent 70% des travailleurs pauvres, ce qui les expose davantage à des situations de précarité. Les personnes en situation de précarité sont plus susceptibles d’être exposées à des polluants, notamment ceux présents dans l’alimentation et l’air, en raison de conditions de logement moins adaptées.
Enfin, certaines professions où les femmes sont majoritaires, telles que les hôtes de caisse, les coiffeurs ou les agents d’entretien, sont particulièrement exposées à ces contaminants. Selon l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), 90 % des caissiers sont de sexe féminin et on recense sept femmes sur dix chez les agents d’entretien. Ces emplois peuvent impliquer une exposition fréquente à des produits chimiques présents dans les produits de nettoyage, les cosmétiques ou les produits alimentaires, augmentant ainsi le risque d’exposition aux perturbateurs endocriniens.
Par exemple, les hôtes de caisse manipulaient des tickets contenant du bisphénol A, considéré comme un perturbateur endocrinien à risque, car il imite les effets des œstrogènes en se liant à leurs récepteurs. Il est aujourd’hui interdit d’en utiliser.
Il convient de nuancer la notion selon laquelle les femmes sont plus touchées par les polluants que les hommes, comme le souligne Robert Barouki, chef du service de biochimie métabolique à l’hôpital Necker-enfants malades et professeur à l’Université Paris Cité. L’impact des polluants peut varier en fonction du type de polluant et être différent entre les genres. Par exemple, dans des secteurs tels que le bâtiment, où les hommes sont surreprésentés, ils sont exposés à des produits chimiques tels que l’amiante.
De plus, une étude réalisée en Occitanie a révélé que l’exposition à un mélange de pesticides a des répercussions métaboliques plus importantes chez les hommes que chez les femmes, selon Hervé Guillou, directeur de recherche de l’Inrae (Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement).
Toutefois, en dehors du travail, les femmes sont effectivement davantage exposées aux contaminants une fois de retour chez elles. En consacrant en moyenne 3 heures et 26 minutes par jour aux tâches domestiques telles que le ménage ou les courses, elles sont donc plus exposées aux substances nocives présentes dans les produits ménagers.
En conclusion, les perturbateurs endocriniens constituent une préoccupation majeure pour la santé humaine. Les femmes sont particulièrement vulnérables à ces substances en raison de leur affinité avec les tissus gras et de leur système hormonal spécifique. L’exposition aux perturbateurs endocriniens peut entraîner des troubles de la fertilité, des maladies du système reproducteur et d’autres problèmes de santé, avec des impacts potentiels sur plusieurs générations. Les disparités socio-économiques auxquelles les femmes sont confrontées augmentent leur vulnérabilité aux polluants. De plus, les perturbateurs endocriniens présents dans les cosmétiques, tels que les phtalates et les parabènes, peuvent également avoir des conséquences néfastes sur la santé, notamment en augmentant la susceptibilité au cancer du sein. Il est donc crucial de sensibiliser, de réglementer et de contrôler l’utilisation de ces substances, afin de protéger la santé des femmes et de la population en général. Des mesures doivent être prises pour réduire l’exposition aux perturbateurs endocriniens et promouvoir des alternatives plus sûres dans les produits de beauté et l’environnement.